Virevoltant sur des petites routes bosselées, constellées de fissures et d’affaissements, la Monster 821 se révèle entiérement. Le feeling du train avant est excellent, elle me transmet toutes les informations de sa roue avant. Avec une implacable précision : même les plus petites pertes d’adhérence se ressentent. Une fois les Diablo Rosso III bien en température, l’avant est rivé au sol. La Monster, après 25 ans, est toujours un rail et ne dévie de sa trajectoire que sur demande. Sans concession, elle n’absorbe aucune irrégularité et relève chaque détail pour me le renvoyer à la figure. Sacré caractère !
Compacte et très agile, Madame se laisse mener du bout des doigts et réagit vivement aux commandes. Le frein avant, très mordant, m’offre une course morte un peu importante à mon goût. La puissance d’arrêt est bien là et l’ABS veille au grain. Ducati, qui annonce sa 821 comme la plus équilibrée des Monster, ne s’est pas trompé. Bien installé sur sa selle à l’assise relativement confortable, je ressens le travail du pneu arrière à chaque sortie de courbe. Même en la sollicitant dans les hauts-régimes, la motricité de la Monster est excellente et elle me pousse à en rajouter. La route ne s’améliore pas, mais le rythme augmente. Je passe en mode Sport et désactive son traction control. Elle est d’accord…
BRÂÂÂÂÂP ! Sa roue avant survolant le bitume, la Monster me dévoile enfin sa dernière facette. Dès 6'000 tours, le twin tracte copieusement et profite d’un second souffle passés les 7'500 tours, en envoyant le compte-tours vers la zone rouge dans des vocalises grisantes. On plonge tous les deux dans les courbes, même en gardant du frein avant sur les bosses : rien ne bronche. Son réservoir me permet de caler mes genoux alors que ses cale-pieds redessinés, plus ergonomiques, s’accrochent à mes semelles. L’état des routes ne permettant pas d’attaquer à outrance, la Monster se régale et pourrait faire ça toute la journée ! Bien plus efficace emmenée en finesse, elle me dessine des trajectoires délicates et me susurre des mots doux en italien. Je crois qu’elle m’aime bien.
Arrivés dans le petit village de San Leo, on s’offre un selfie avant d’aller manger. La Monster reste causer avec ses sœurs, sans doute pour me comparer aux autres prétendants de ses sœurs. A table, on est tous d’accord : la Monster sait s’amuser et on a hâte de remonter en selle.
Avant de repartir, je me promène dans la pléthore de paramètres personnalisables via l’écran TFT du compteur. L’affichage change selon le mode de conduite choisi. Je reste en Sport et la Monster m’invite à monter le niveau d’intervention de l’ABS au maximum, pour voir. La navigation est facile une fois le pli pris et on peut s’offrir trois modes entièrement personnalisés, grâce à la fonction de mémorisation.
Pour digérer, on s’offre encore quelques kilomètres de petites routes pour retrouver Rimini et nôtre hôtel. Enroulant rapidement derrière le guide, la Monster m’offre un chouette moment et continue de placer ça et là ses arguments. Assez de couple pour rester sur les rapports intermédiaires, même pour un dépassement. Du punch haut dans les tours pour s’amuser et surtout un châssis très équilibré, qui se montre confortable (pour une Monster) et prêt à accepter un pilotage sportif.
On boit un verre dans une station-service accolée à un garage datant de Mathusalem, conservé « dans son jus », qui semble un point de chute fréquent de la Monster. Elle se montre toutefois raisonnable avec une consommation d’environ 5,6 litres au 100km. Pas une ivrogne, mais pas une sainte non plus. On pourrait vraiment bien s’entendre.
De retour dans les environs de Rimini, Madame Monster me chauffe. Au premier degré. Avec son échappement. La ville, sous le soleil, c’est pas son truc et elle le fait allègrement savoir. On se faufile un peu, exercice qu’elle apprécie malgré un rayon de braquage très limité, pour arriver plus vite. Plein de garçons se retournent à notre passage. Des filles aussi. Elle plaît, la 821. Nous voici arrivés au moment fatidique. Face à la mer, je tourne la clé de contact. La Monster me regarde, dans sa jolie robe jaune. On papote, on parle de projets futurs. Elle m’avoue un peu gênée qu’elle demande 12'490 francs à son futur mari.
Gloups. Ça monte même à 300 francs de plus pour qu’elle porte ses robes jaune ou noir mat. C’est beaucoup, même si l’équipement de série est d'une qualité exceptionnelle et que le plaisir de partager sa route avec elle vaut son pesant d’or. La Monster 821 est une machine élitiste, mais a de quoi provoquer un coup de cœur à plus d’un pilote, qui ne cillera pas au moment de signer la dot.
C’est au bord de la mer qu’on s’est rencontrés, c’est ici qu’on se séparera. La Monster 821 porte plus que dignement ses 25 ans. Et elle les portera sans doute encore longtemps. Et saura sans doute trouver un partenaire qui lui correspondra. Et qui sait, on se recroisera peut-être...