J'ai pris la route sans toucher à la selle ni au pare-brise, mais après peu de temps je me suis précipité vers les vis de ce dernier pour le monter au maximum. En effet, j'ai la taille critique qui m'envoyait le vent directement au centre de la visière. J'étais bien plus à l'aise pour les kilomètres qui ont suivi, le bruit du vent était tel que je n'entendais plus la moto. J'ai ensuite essayé de monter la selle, puis l'ai bien vite redescendue. Les 15mm que je gagnais me remettaient dans l'axe du vent dévié. Mon conseil si vous utilisez la selle en position haute, pensez au plus grand pare-brise disponible en accessoire.
Notre journée de roulage a débuté dans une épaisse purée de pois, mais pour prendre de grands axes, la visibilité était suffisante. Prévenu par le guide que les conditions de route sont précaires, je me lance sur la cartographie B de la MT. C'est la plus douce, celle qui aplatit franchement la courbe de puissance et de couple. Les reprises restent correctes, il est aussi possible de faire un dépassement car les 115 chevaux sont quand même délivrés à haut régime.
En sixième, à vitesse de croisière, la monture ménage son pilote. Prise au vent limitée, mains cachées derrière les protections, régime-moteur suffisant pour une réaccélération si nécessaire, les voyageurs y trouveront leur compte. Nous quittons maintenant les grands axes pour quelques virages. Je change vite le mode B qui devenait trop mou pour la situation et sélectionne le réglage standard.
Dès les premiers mètres sur un tronçon qui semblait amusant, le goudron est en fait défoncé et couvert de vague. La suspension a beau faire de son mieux, une allure plus que modérée s'impose. Mises à part les grosses compressions, le reste est plutôt bien gommé par la fourche et le bras oscillant. Sur chaussée normale, le comportement est très sain et prévisible : bon retour d'informations sans être trop parasité de vibrations.
Les belles routes sèches et lisses s'offrent enfin à nous, voyons maintenant de quoi est vraiment capable la Tracer dans le terrain de jeu de tous les motards. Jusqu'à maintenant, le frein-moteur suffisait pour arriver dans la courbe. Le rythme augmente, je suis bien obligé de taper dans les freins pour adapter ma vitesse.
Les composants de freinage sont identiques au roadster et tout à fait suffisant. On pourra lui reprocher de manquer de mordant quand on saisit le levier, car la force de freinage arrive progressivement, cependant le résultat final est optimal. Le frein arrière semble surdimensionné et bloque relativement vite, heureusement l'ABS veille.
Les courbes qu'on emprunte semblent faites sur mesure pour la Tracer. Elle fait preuve d'une grand agilité, prenant facilement de l'angle et envoyant de généreuses reprises en sortie de courbe. Attendez un instant, il reste le mode A à essayer. Celui de l'Attaque, de l'Arsouille, de ce que vous voulez en A qui dit que ça va envoyer du bois... Pression du pouce droit, gaz en grand !
La différence est flagrante, là où de Standard à A sur le roadster c'est plus subtil. Le moteur CP3 devient nerveux, surexcité. Les accélérations et les lâchers de gaz sont directs, la montée en régime semble un rien plus rapide. Le son est en outre plus rageur, bien que trop discret. Mais au final, je trouve que c'en est trop. Assez malmené sans le vouloir dans les petits enchaînements, le mode A retire une bonne partie du confort de la Tracer. Je préfère finir la route en standard.
La journée touche à sa fin et le roadbook nous enmène dans une zone avec beaucoup de carrières. Le pneu du pilote qui me précède n'est plus noir, mais gris clair. En effet, la route était très poussiéreuse, chaque prise d'angle était un risque. Dans le groupe, nous avons cessé de compter les dérives de la roue arrière après les trois premières grosses frayeurs de chacun.
Le Traction Control semble être passé en mode Noël, clignotant à tout-va, peu importe la courbe, l'angle et les gaz. Le travail jusqu'alors discret de ce système se révèle comme un allié précieux. Il m'a sans doute éviter de sortir jardiner quelques fois et je n'ai pas honte de le dire.
Yamaha a tenté un grand écart pour placer un modèle MT à la croisée de tous les chemins. Plus touring qu’une Fazer 1000, moins baroudeuse que la Super Ténéré, mieux placée en rapport puissance/poids que la TDM en fin de vie. En version Race Blu, la Tracer respire la sportivité. A mon sens, c’est une illusion.
Globalement, cette MT pour voyageur est une réussite. Le moteur, le cadre léger, les trains roulants, tout le meilleur est là. La nouvelle instrumentation plus claire, les modes de conduite repensés, l’ajout d’un excellent contrôle de traction; elle a tous les atouts pour se faire une place de choix sur le marché. Disponible courant mars 2015 pour CHF 12’590.-, Yamaha espère réitérer le hold-up du roadster qui est la deuxième moto la plus vendue en 2014, derrière une certaine GS...