A peine sorti de la voie des stands, je passe le 3e rapport et mets du gaz jusqu’au virage N°2, un petit gauche serré bien bâtard. C’est avec un mélange de stupeur et d’ébahissement que me retrouve au point de freinage dans un bruit de tous les diables et passe le gauche comme une simple formalité. En 2e, gaz en grand, le V4 propulse ma misérable existence vers la cassure suivante, la roue avant à quelques centimètres du sol.
Le quart d’heure complètement ahurissant qui suit sera dans la même veine. A chaque freinage, chaque courbe, chaque accélération, je saisis un peu plus le potentiel quasi-illimité de cette machine. Grâce aux sublimissimes Diablo Superbike et les suspensions réglées fermes, le comportement de la Panigale est sans faille. Qu’importe la vitesse, l’avant plonge au point de corde à la moindre sollicitation et reste rivé au sol. Lors des accélérations sur l’angle, comme dans le fameux virage 12, un long gauche négocié à fond, le Traction Control et le Ducati Slide Control laissent l’arrière dériver en toute sécurité, alors que la puissance et les décibels du V4 vous plongent dans la plus pure jouissance mécanique.
Toutes les phases de pilotage pourraient se dérouler dans une absolue sérénité si l’on n’avait pas ces 226 chevaux entre les pattes. Décidé à défier les lois de l’espace-temps, le V4 Ducati est ce qui doit se rapprocher le plus de la téléportation. La ligne droite des stands est avalée en un claquement de doigts, alors que le châssis remue sous la contrainte et que… tiens, j’ai passé mon repère de freinage !
Mamma mia ! Ne freinez JAMAIS trop fort avec la Panigale V4. Vous n’auriez plus envie de rien d’autre après. C’est mi-terrifié, mi-ricanant, que je me retrouve la roue arrière en l’air, l’avant plongeant dans le bitume et la moto rejoignant instinctivement le point de corde, à une vitesse au moins stratosphérique (je ne sais pas, j’ai pas regardé). Le pire, après ce freinage dantesque et tous les suivants, c’est que la Ducati me faisait bien comprendre qu’elle en avait encore à revendre. Plus on en met, plus on en a, et ce n’est pas elle qui lâchera la première.
Sur les changements d’angle, on croirait piloter une 125 tant la moto est vive. Le retour d’information des pneus et des suspensions est excellent et la puissance ahurissante reste, grâce à l’électronique, maîtrisable et exploitable. L’ABS sportif ne se sera absolument pas fait sentir, malgré mon insistance sur certains longs appuis : la Panigale reste imperturbable et ma confiance, étrangement, est en hausse tout au long de la session.
C’est rendu à l’évidence même de ma faiblesse et ébahi à chaque instant des capacités de cette divine machine que je vois, à regret, le drapeau à damiers s’abaisser. Après une dernière boucle tonitruante, la Panigale retrouve les mains de son mécano, qui me déplie même la béquille latérale et me laisse, ricanant et tremblant, partir me rouler en boule au fond du box.
Retrouver la version « basique » de la Panigale V4 S à la session d’après aura presque été un soulagement. Le mode Sport me permettra de passer 2 tours emplis de quiétude, avant que la souplesse des suspensions et le moteur trop bridé me poussent à passer en mode Race.
La principale différence, outre le bruit redevenu plus raisonnable, réside dans le feeling des suspensions et des pneumatiques. Difficile d’atteindre le ressenti d’une gomme de compétition avec un pneu du commerce homologué route. Toutefois, malgré un avant un peu plus flou en entrée de courbe, le comportement de la Ducat’ reste exceptionnel.
L’agilité est de mise dans la partie technique du tracé, où la boîte de vitesses et le système DQS permettent de changer de rapport très rapidement dans les enchaînements. La garde au sol est absolument insondable, mes compétence abdiquant bien avant les limites de la machine. Les 214 chevaux d’origine sont bien suffisants et les sensations énormes. Avaler la moitié de la ligne droite en sentant la moto gigoter, puis redevenir un vrai roc lors de la phase de freinage, est totalement grisant.
Plus les sessions avancent, plus les limites de cette Panigale V4S semblent s’éloigner. Je commence juste à faire confiance à l’électronique, à m’habituer à tous les mouvements du châssis à certains endroits du circuit et à tracer des trajectoires correctes, qu’il est déjà temps de rentrer aux stands. Ce ne sont pas mes bras et mes jambes qui s’en plaindront, mis à mal par la puissance infernale du moteur et des freins.
La conclusion que je tire au final de cette découverte de la nouvelle Superbike Ducati, c’est qu’elle est une vraie moto sportive, pensée par et pour la course. Les solutions techniques basiques, comme le châssis léger et le moteur semi-porteur, ainsi que le calibrage orienté « performances » des aides électroniques, font de la Panigale V4 S un petit bout de MotoGP faite pour les « simples » humains.
Ducati ouvre une nouvelle ère dans son histoire de la catégorie Superbike, en nous permettant de toucher du doigt ce qu’est une vraie machine de course. Son comportement pointu, sa réactivité à chaque infime mouvement, la puissance débordante de son moteur et de son freinage, en font une référence du segment et un formidable outil pour la vitesse.
La Panigale est morte. Vive la Panigale !