Joueuse, elle devrait l’être, assurément. Le moteur de 692,7cm3 n’est autre que le mono KTM que l’on retrouve notamment sur les 690 SMC-R et Enduro, testées il y a quelques semaine par Gonzo, et il semblerait qu’il envoie du lourd. 75cv, délivrés à 8500 tr/min, pour un couple de 72Nm à 6750 tr/min. La technologie est parfaitement maîtrisée par les ingénieurs autrichiens, qui annoncent d’ailleurs des intervalles de service de 10’000km. Les suspensions, signés WP (également propriété de KTM), offrent un débattement de 150mm à l’avant comme à l’arrière. La fourche inversée, d’un diamètre de 43mm, est réglable en compression et détente via de petites molettes situées sur les tubes de fourche. Simple, rapide, et sans outils. Le freinage est quand lui confié à Brembo, avec un seul disque de 320mm à l’avant, pincé par un étrier radial 4 pistons. Light ? C’est ce qu’on verra.
Ben c’est maintenant. Après un dernier briefing des ingénieurs, j’ai enfin le droit de choisir une moto. J’hésite quelques instants (je prends quoi, une noire, ou une noire ?) puis m’installe sur la moto. Ou plutôt sur la planche qui sert de selle. La vache, c’est vraiment dur. D’une épaisseur de quelques 2cm à tout casser, je pense qu’elle va régler à elle seule les problèmes d’autonomie générés par le réservoir de seulement 12l.
La hauteur de selle, 835mm, en fait une moto relativement haute, mais heureusement, la finesse du réservoir vient au secours de l’accessibilité. Enfin, ça, c’est pour les plus petits. Avec mes 184cm, j’ai les pieds bien à plat. Et un peu l’impression d’être à l’étroit. Il faut dire que la Svartpilen a vraiment une taille de guêpe. Un petit gabarit idéal pour se faufiler en ville, mais sur lequel je peine à trouver mes repères, tant la moto me parait légère. Je jette un petit coup d’œil au compteur, qui, à défaut d’être parfaitement lisible (surtout en plein soleil), dispose de toutes les informations nécessaires. Dommage cependant de ne pas avoir placé de bouton dédié au guidon, d’autant qu’il y a de la place disponible.
Un coup de démarreur pour lancer le gromono et… c’est la déception. La sonorité, si elle est typique de cette architecture, se fait vraiment discrète, et très métallique. Quelques motos étant équipées pour cet essai d’un silencieux Akrapovic (au look ravageur, mais disponible en option contre la modique somme de 1034.- CHF), j’essaierai d’en prendre discrètement une à la faveur d’une pause, pour voir la différence. Au programme du jour, quelques 140km de ville, d’autoroute, de route côtière et de petites voies forestières à l’adhérence douteuse. Pensée comme une moto urbaine, c’est donc logiquement en me faufilant dans la circulation que mon essai commence. La position de conduite est plutôt bonne, un peu sportive, avec les jambes légèrement repliées et le buste basculé sur l’avant, permettant de charger le guidon si nécessaire. Le moteur, en bon monocylindre qui se respecte, rechigne à évoluer sous la barre des 3000tr/min. Normal. Mais il se plie néanmoins volontiers à cet usage urbain, permettant d’une rotation de la poignée de gaz de s’extirper du trafic. Grâce au large guidon et à un réservoir très fin, la maniabilité est excellente, et la petite flèche noire se faufile aisément dans le flot de circulation de la capitale portugaise. Et c’est ainsi qu’arrivé au 1er feu rouge, mon cerveau a fait un court-circuit. Paix à son âme. Le récit qui s’ensuit, bien sûr, est totalement fictif et fantasmé, et ne s’est jamais déroulé ailleurs que dans ma tête. Of course.
Les motos s’élancent à chaque feu rouge, transformant un trajet à priori monotone et quotidien en une partie de plaisir récréative. Dans ce cadre urbain, la partie-cycle est joueuse, le ride-by-wire fonctionne à merveille et les 75 canassons répondent présents à chaque rotation du poignet droit. La moto jouit d’un bel équilibre et se place au doigt et à l’œil. Ça tombe bien, la place entre les rétros des boites à roues est comptée. Après cette belle partie de gymkhana, place aux grands espaces pour tenter de rejoindre un terrain de jeu plus affriolant. Arrivé sur l’autoroute, le groupe s’étire rapidement. Pour rattraper mon ouvreur, pas d’autre choix que de laisser sur la route mes aprioris concernant l’usage d’un mono sur voie rapide et d’ouvrir en grand. Quelle pêche, ce mono ! Aidé du shifter, les montées en régime sont rageuses et je recolle rapidement le reste du groupe. La stabilité de la moto, excellente à vitesse légale, l’est un peu moins quand on pousse la Svartpilen dans ses retranchements. Quelques mouvements se font alors sentir. Rien de rédhibitoire, mais la légèreté de la moto se paie surement ici. Alors certes, le mono « tire un poil court », mais on peut donc (et largement) dépasser les vitesses autorisées, sans aucun problème. L’intérêt ? Aucun, à part ne pas se faire distancer par ses potes en multicylindres. Question de principe !
La partie sérieuse, euh sinueuse, commence enfin. La route qui longe l’océan du côté de Cascais est un festival qui mets en éveil mes cinq sens. De grandes courbes, un revêtement impeccable, de rafales de vent qui portent à mes narines des senteurs délicieusement iodées qui se mélangent avec l’odeur du cuir que je porte, sur lequel le soleil tape déjà allégrement. A cela s’ajoutent le vrombissement du moteur, que l’on entend enfin plus que celui de l’échappement, et les vibrations produites par le gromono suédois. Vibrations qui, au passage, me semblent presque trop discrètes. La maîtrise de cette architecture par les ingénieurs de la marque est telle que le Svartpilen vibre moins que certaines de ses concurrentes équipées d’un twin. C’est le monde à l’envers. Enfin, soyez rassurés, vous aurez tout de même quelques fourmis dans les mains à la fin de la journée. Surtout si vous roulez sur un rythme élevé qui pousse le moteur au-delà des 9000 tours. Oui, oui, 9000. Pour un mono. Impressionnante, la santé de ce bloc ! Et il y a intérêt car devant, ça bastonne sec. Après un passage obligé par Cabo da Roca, le point le plus occidental du continent européen, l’escouade de Svartpilen a repris du service et le café semble avoir eu un effet plutôt dévastateur sur les autres pilotes. C’est dans les montagnes, sur des petites routes forestière au revêtement approximatif et recouverts d’aiguilles de pin que la dernière manche du championnat va se jouer. Et quelle manche !