
La Turquie, et plus précisément Istanbul est une étape qui n’était pas du tout prévue dans le voyage. Mais la géopolitique étant ce qu’elle est, c’était ma seule option pour quitter l’Afrique : en avion tout le monde, direction Istanbul !
Durant trois semaines, je m’envole de mon côté, laissant ma moto au Soudan pour rejoindre mes proches en vacances en Jordanie : on oublie l’aventure pour faire place aux hôtels avec lits propres et douches chaudes, trois repas par jour et tout le confort que l’on peut avoir en vacances.
Mais après cette petite parenthèse, qui n’aurait pas dû en être une comme initialement ce pays se trouvait sur ma route, il faut aller en Turquie pour réceptionner la moto.
J’ai pu voyager avec mes véhicules dans plusieurs pays déjà, en 4x4 ou en moto, et donc les procédures douanières ne me font pas peur. Mais la Turquie, c’est encore différent ! Autant, arriver par les frontières terrestres pas de souci, mais là, arriver par un vol cargo depuis le Soudan, c’est un vrai bazar : personne ne sait ce qu’il faut faire !
Douaniers, généraux, officiels, je passe ma journée, depuis 9h du matin jusqu’à 17h, à courir entre le bureau pour essayer d’avoir le bon formulaire avec le bon tampon, mais chaque fois que je l’obtiens, il en faut un nouveau. Je prends mon mal en patience et tente désespérément de comprendre ce qu’il se passe, car en plus, personne ne parle anglais.
A un moment, on m’autorise à entrer dans le hangar, voir la caisse de la moto, la sortir et la reconstruire. Puis on me dit qu’il faut partir car c’est l’heure de manger, il faut fermer et il faut avoir d’autres formulaires...
Et puis finalement, alors que je m’inquiète de voir les bureaux se fermer et de devoir revenir le lundi suivant, car on est vendredi, quelqu’un m’annonce que c’est bon, je peux récupérer et partir avec ma moto !
Bon, c’est une bonne nouvelle, mais... je n’ai pas une goutte d’essence ! Durant la “pause déjeuner”, j’ai trouvé une station d’essence où j’ai pu acheter de l’huile, mais pas d’essence : les récents attentats en Turquie ont contraint les autorités à refuser la vente d’essence en bidon ou bouteille, même pour un demi litre !
Pas le choix, je sors donc du hangar en poussant, et c’est parti pour deux kilomètres de poussette en montée. C’est dans ces cas-là que je suis content de ne pas avoir un gros trail moderne et lourd !
Par chance, la solidarité motarde est une valeur internationale, et après un kilomètre, des motards me croisent, et s’arrêtent pour m’aider. Ils me donneront un peu d’essence et m’aideront à redémarrer la moto, car après presque un mois sans tourner et avec une bougie fatiguée et une batterie à plat... on doit se relayer pour kicker.
Sans leur aide, je n’aurai pas pu démarrer, car j’ai passé une nuit blanche la veille à l’aéroport d’Amman en Jordanie et la journée de douane a été fatiguante, je n’en pouvais plus.
Après le week-end à me reposer à Istanbul, je décide de prendre la route et d’aller directement en Suisse.
Istanbul est un très jolie ville, mais que j’ai déjà eu l’occasion de visiter l’an passé en rentrant d’Asie Centrale et d’Iran. J’aurais aimé prendre un peu de temps en Grèce, mais je suis confronté à la réalité météorologique : il fait froid, il pleut et il neige. Je n’ai aucun équipement contre le froid, j’avais prévu l’Afrique, et un retour plus tardif au début du printemps.
Je quitte Istanbul, et direction Lausanne, destination finale !
La traversée de la Grèce se fera par l’autoroute, c’est pas drôle, mais ça va plus vite. Déjà qu’entre le froid et les blocages de certaines sections par les agriculteurs en grève, j’ai du mal à en voir le bout, je n’imagine pas si j’avais pris les petites routes.
L’idée est d’aller à Igoumenitsa et de là, prendre un bateau pour l’Italie, Ancône, et remonter vers la Suisse.
Deux jours de routes plus tard, j’embarque sur un ferry, quasi vide à cette époque de l’année, et j’arrive en Italie. Près de Bologne, un atelier de préparation moto avec qui je suis en relation me propose de faire une halte pour la nuit et ainsi voir leur réalisation.
SpecialThings est un atelier spécialisé dans la préparation rallye-raid moto. On n’y retrouve que des passionnés de moto et de très belles réalisations. L’histoire a commencé autour de leurs motos personnelles : une BMW HP2 et une BMW 1200GS Adventure, préparées pour des raids.
Aujourd’hui, ils ont diversifié leur activité sur toute moto, que cela soit pour du sur-
mesure ou de la production série, et avec notamment un très beau projet en cours : un kit “HRC Dakar” pour la nouvelle Africa Twin. Les croquis sont superbes, hâte de voir la réalisation finale !
Et puis je me rapproche de la Suisse. Plus j’avance, plus la température baisse. C’est encore l’hiver. J’avais froid au Soudan quand il faisait 15°C le soir, autant dire que là, je ne sens même plus mes mains !
J’ai eu beau retourner la carte dans tous les sens possibles : je n’ai pas le choix, pour arriver en Suisse, il faudra passer les montagnes et des cols. Partant de ce constat, autant prendre la route la plus directe, c’est-à-dire par le col du Simplon.
D’après ce que j’ai pu en lire, ce col est réputé pour les motards suisses et italiens. J’imagine qu’il doit être plutôt fréquenté aux beaux jours, sauf que maintenant il neige.
A peine passé le panneau d’entrée en Suisse, le décor est posé : il neige !
J’entame donc les 16 kilomètres de montée. 16 kilomètres, par 7°C et de la neige, c’est long, très long. Entre ma moto qui tourne mal à cause du froid et de l’altitude, mes mains gelées, je n’en vois pas le bout. Je suis étonné de voir à quel point un carburateur est très sensible aux conditions météo, alors qu’en Afrique, je n’ai eu quasiment aucun souci avec l’altitude. Mais il faisait plus chaud.
Et puis le col se dessine, tel le Graal, et surtout, le petit café du col, qui promet boissons chaudes et radiateur !
Et je constate que je ne suis pas le seul motard ! D’autres sont là, ils viennent pour la plupart d’Italie, ils montent prendre un café ici et redescendent. C’est l’occasion de sortir leur maxi-trail aventure comme il y a de la neige. Avec des poignées et selle chauffantes, on n’est pas tous logés à la même enseigne !
En discutant avec eux, ils me feront remarquer que ma petite Suzuki DRZ400 est bien sympathique pour se promener dans la forêt autour de chez soi, mais le problème, elle n’est pas faite pour aller loin. Non, pour ça, il faut un maxi-trail...
Et puis les derniers kilomètres avant la fin ! Précisément, je ne vais pas à Lausanne, mais à peine plus au nord, à Moudon. C’est ici que je poserai définitivement les sacoches.
Et pour s’acclimater à un nouveau lieu de vie, quoi de mieux que de découvrir les traditions locales ? Et c’est ainsi que je fête mes premiers Brandons à Moudon !
Ce genre de carnaval en Suisse est bien connu, mais pour les Français comme moi, pas du tout ! Et durant tout un week-end, je découvre la ville sous un nouveau jour, aux sons des Guggens et aux couleurs des chars préparés selon le thème de l’année : Moudon Galactique !
Et s’est ainsi que s’achève mon périple Bordeaux-Lausanne. Un peu plus de 15'000km parcourus, treize pays traversés et des centaines de rencontres... Ce premier long voyage en solitaire et en moto sera un souvenir particulier car il marque un changement et un nouveau départ. Mais il me reste encore une dernière étape, et pas des moindres : importer et homologuer ma moto en Suisse !
Au plaisir de rencontrer les lecteurs suisses d’AcidMoto.ch, sur la région de Lausanne, et de découvrir avec vous les plus belles routes suisses, mais quand il fera un peu plus chaud ! A bientôt !