Avec sa VFR 1200X CrossTourer, Honda revient sur le marché des trails routiers avec de grandes ambitions. Pour concurrencer la référence BMW et ses autres rivales, la nouveauté se dote de la seconde génération de Dual Clutch Transmission (DCT), boîte automatique à double embrayage apparue en 2011 sur la VFR 1200. Mais aussi d'un traction-control, très en vogue actuellement, ainsi que de l'habituel et efficace freinage combiné (Dual CBS), et bien sûr de l'ABS.
Tout cela oriente clairement ce trail vers une utilisation routière. Et c'est tout le concept de Honda, autour de sa gamme Crossover (comprenant la NC 700X et la Crossrunner 800): "la performance routière et le style enduro", selon le communiqué de presse. Le look est en effet soigné, avec des lignes rappelant celles des NC 700X et Crossrunner, mais avec un côté off-road plus poussé. Avec ses jantes à rayons (montés à l'extérieur de la jante pour plus de robustesse), ses protège-mains et sa hauteur de selle, on sent la CrossTourer prête à avaler les voies non-carrossables.
Haut sur pattes, le gros trail ailé dispose d'un gabarit tout de même conséquent. Heureusement atténué par des lignes tendues et dynamiques. Avec de très jolis clignotants à LEDs, l'avant gagne également en finesse. A noter que le saute-vent est réglable sur deux positions, histoire de ménager vos cervicales sur voie rapide.
Après avoir avalé en vitesse un croque-monsieur au Cheddar (miam!) et digéré la conférence de presse, on se retrouve devant l'hôtel, avec l'habituel alignement de motos qui chauffent au soleil. Oui! Le soleil, qui chauffe déjà nos montures et ne va pas tarder à faire monter la température! En plein jour, on apprécie les lignes de la CrossTourer, qu'on sent prête à dévorer la route. Le modèle qu'on m'attribue d'abord est équipé du DCT, que je me réjouis de tester. Hop! On saute en selle et on y va!
Première impression en redressant la Honda: la lourdeur! Avec un poids élevé dans les deux sens du terme (beaucoup de kilos placés en hauteur), la CrossTourer demande de la poigne pour quitter sa béquille. Attention aux manoeuvres moteur coupé, la hauteur de selle ne facilitant pas l'exercice. Heureusement, on n'est pas là pour pousser la bécane mais bien pour voir ce que son V4 a dans le sac. J'enclenche le mode « D » de la boîte automatique et prend la roue de mes confrères en quittant l'hôtel.
Durant la petite excursion urbaine qui nous mène à l'autoroute, les progrès de ce Dual Clutch seconde génération sautent aux yeux. Avec la VFR 1200, essayée en 2010, on se retrouvait en sixième bien trop rapidement et le V4 broutait copieusement à faible allure. Sur la CrossTourer, point de tout cela grâce au mode « D » intelligent! Selon la conduite adoptée, il choisit la vitesse idéale et permet au gros trail de se faufiler sans soucis dans la ville. Avec un embrayage dévolu aux vitesses impaires et un autre aux vitesses paires, la douceur de transmission est garantie. On évolue sur un petit nuage, d'autant qu'une fois en mouvement, la CrossTourer se défait de l'impression de lourdeur ressentie à l'arrêt.
Sur l'autoroute, c'est également un carton plein pour le DCT! Toujours en « D », il suffit d'ouvrir en grand pour que la boîte tombe deux rapports et vous propulse instantanément en avant... à des vitesses peu avouables! On ne sent presque pas la boîte travailler alors que les rapports s'enchaînent parfaitement. Malgré la bulle en position haute, on ressent un peu de vent sur le casque, bien que la résistance reste minime. Plus gênant, quelques mouvements de guidon à haute vitesse, sur les changements d'angle et les raccords. Rien de méchant au vu de la largeur du guidon.
Une fois sortis de la monotone bande grise de l'autoroute, on s'attaque à une chouette montée en lacets avant la pause café. L'occasion de basculer en mode « S » afin de suivre l'ouvreur et les petits camarades, tout aussi motivés par l'idée d'enchaîner quelques courbes. Là, pour sûr, vous resterez dans les bons régimes! Très nerveux, le mode « S » privilégie presque trop les hauts-régimes, car la CrossTourer s'avère très facile à emmener à mi-régimes, en toute efficacité.
Je me tourne donc vite vers l'option manuelle, avec ses deux commandes sur le commodo gauche. Très bien placés, ils s'utilisent facilement, sans même y penser. Le DCT rétrograde tout en douceur, comme si l'on plaçait un coup de gaz avant de tomber son rapport. Avec un tel système, on peut se concentrer sur le moteur et le châssis! Un châssis très sain, avec un train avant rivé au sol, qui permet des entrées de courbe musclées! D'une pichenette sur le grand guidon, on bascule de l'autre côté et on ouvre en grand sans arrière pensée.
Car le Traction Control veille au grain et désamorce toute amorce de dérobade de l'arrière. Agissant sur l'allumage et la courbe de couple, il permet à la Honda de s'extraire de toutes les situations. Une technologie fort utile, qui m'a d'ailleurs évité une jolie glisse sur une plaque humide cachée à l'ombre d'un virage... Ouf! On repasse à l'avant pour relever le freinage exemplaire, qui ralentit efficacement les 275 kilos du bestiau. Les plus énervés lui reprocheront un léger manque de mordant en début de freinage, malgré un très bon feeling au levier. Avec le Dual-CBS et un poids légèrement basculé vers l'arrière, la CrossTourer est d'une stabilité impériale sur les freins.
Tant mieux car le moteur, lui, ne se pose pas de questions et envoie le pâté! Ramené à 127 chevaux, contre plus de 170 à la VFR, le V4 dispose d'une courbe de couple bien plus régulière et élevée à bas et mi-régimes. Le résultat: une poussée linéaire et forte qui garantit des relances efficaces sur l'ensemble de la plage de régime. Pas de puissance démentielle, au contraire d'une Ducati Multistrada, mais un moteur très exploitable qui s'adapte à tous les styles de conduite. De quoi calmer deux ou trois frimeurs en sportives sur les montées de col!
Après la pause-café, où nos montures ont pu reprendre leur souffle, on arrive au premier arrêt photo. Un arrêt dans un terrain où part un joli petit chemin de terre. De quoi donner quelques idées aux grands enfants que nous sommes... Après avoir escaladé une petite butte en bord de route, tout ce joyeux monde s'élance, ravi, dans le chemin!
Traction Control débranché, je m'essaie à quelques travers, plus ou moins maîtrisés. Je préfère rapidement m'aventurer de plus en plus vite dans le chemin, dans les hautes-herbes, entre les pierres... Un exercice facile pour la CrossTourer, qui se montre rassurante malgré son poids élevé. Les photographes ne manquent pas d'immortaliser nos « exploits », alors que notre ouvreur met la pression pour qu'on arrive à l'heure à la pause midi. Allez, encore 5 minutes... s'il vous plaaaaaaaaît!
Sur la suite du trajet, la CrossTourer n'aura fait que valider les très bonnes impressions ressenties en première partie de journée. Disposant d'un modèle à boîte classique pour le retour à l'hôtel, je regrette carrément le DCT. Certes, on peut s'amuser avec un embrayage classique et un levier est plus facile à changer au bord de la route qu'un système électronique complexe... Mais il fonctionne si bien et se montre si adapté au gros trail Honda qu'on s'y fait très vite. Une technologie d'avenir, n'en déplaise aux irréductibles!
En arrivant à l'hôtel, tout le monde est en pleine forme! Le confort royal de la Honda y est pour beaucoup, aucun mal de fesse n'étant à déplorer. Passés par la case station, on aura apprécié la consommation raisonnable du V4. L'autonomie devrait friser les 300 kilomètres avant réserve. Une très bonne nouvelle car à bord de la CrossTourer, on roule! Nouvelle référence en matière de technologies routières, la Honda pourrait donner du fil à retordre à la BMW R 1200 GS, sa concurrente toute désignée. Jusqu'au niveau du tarif, puisqu'affichée à 18'590 francs dans sa version DCT, la Honda se hisse à la hauteur de la BM sur la liste des prix.