
Ah, pourtant, on avait un joli plateau, agréable à l'oeil autant qu'à l'oreille. D'ailleurs, le gros paquet de motards présent au Mémorial Spadino ne s'y sera pas trompé! Ils ont été nombreux à s'arrêter devant notre alignement de missiles... Kawasaki ZX-10 R, Suzuki GSX-R 1000, Honda CBR 1000 RR et enfin BMW S 1000 RR.
Bon, la Suzuki a été vite oubliée, à grands renforts de « Ah! Encore une! » ou de « Hé, c'est la mienne... ah non. ». Il faut dire que l'esthétique du modèle 2012 n'est pas bouleversée et que la Gex' fait dans l'archi-vu et revu. Attention, c'est beau quand-même, surtout avec le retour d'un échappement 4-en-1 de taille et de forme raisonnables.
Mais, à côté de la CBR, dans sa livrée HRC pétante et avec ses jolies pièces du pack Swiss Edition, la Suzuki ne peut pas faire grand chose. Aaaah, on y met un coup de blanc, du Rizoma, du carbone et on attire l'oeil du motard, pourtant pas généralement fan des lignes de la Honda. « Mate l'échappement Akra'! », s'extasie un jeune. Ah, oui, c'est vrai qu'il est beau et qu'il donne un peu de voix à la CBR, bien silencieuse d'origine...
Il y en a tout de même deux autres qui ont attiré les regards. La Kawasaki ZX-10 R, d'abord. Un design particulier qui divise autant la rédac' que les passants mais qui fait son effet. Sans oublier le vert, couleur typique de Kawa, qui vous rend aussi visible du motard lambda que face à une paire de jumelles... La ZX-10 R jouissait aussi de l'apport d'un échappement Akrapovic, ridiculement court d'après un cinquième de la rédaction (c'est moi, j'assume, ndr). La Kawa impressionne, se fait ramassée autour de son moteur tout en projetant sa partie arrière de façon provocante... sans oublier son compte-tours haut en couleurs!
Mais s'il y en a une qui a suscité remarques et questions, c'est bien l'Allemande! Dans son coloris rouge et blanc (Hop, Suisse!), la BMW scotche toujours autant la rétine avec son dessin asymétrique. La ligne ciselée, affûtée, respire la performance et, à en croire Yann, le ramage vaut le plumage! On fantasme sur le dessin du feu arrière, sur l'échappement, sur la fourche démesurée, sur les ouïes de requin... Bref, on kiffe!
Après ces considérations esthétiques, on s'est penché sur le trajet routier qui nous a menés jusqu'au Mont-Blanc. Enfin... plutôt autoroutier, le trajet! Toujours est-il que le parcours fut riche d'enseignements. Tout le monde aura préféré éviter la Kawasaki, à la protection très limitée et à la bulle remuante (les extrémités de l'appendice se prolongeant au delà de la tête de fourche).
On était un peu mieux sur la BMW, à la position parfaite mais à la protection perfectible. La CBR et la GSX-R s'en sortaient finalement mieux, grâce à une selle confortable et une bulle haute pour la première et un compromis routier toujours présent pour la seconde, malgré quelques vibrations.
En dehors de l'interminable et chère autoroute française, on a dû traverser le tunnel du Mont-Blanc à 40km/h de moyenne, passer par quelques localités et autres joyeuseries. Au niveau du confort de conduite, c'est presque la même que sur autoroute, même si la GSX-R se fait remarquer par ses suspensions sèches (les temps changent...) et que la CBR semble avoir oublié le concept du frein moteur. Cela aura donné quelques sueurs froides à Alex', lorsqu'il approchait des ronds-points sur la Honda. La BMW se manie du bout des ongles, mais on sent qu'on a un bâton de dynamite sous le poignet et les commodos sont vraiment particuliers à manier... La Kawa se montre docile, mais son manque de couple à bas-régimes est un peu agaçant à la longue. Cela dit, aucune de nos quatre montures n'aura raffolé de ces évolutions à vitesse réduite. Nous non plus...
Maintenant mon gars! La journée est carrément bien avancée et la manifestation finit enfin. On n'a plus qu'à foncer faire les photos dynamiques avant le coucher du soleil! Ah, ça, pour foncer, nos quatre meules disposent de quelques arguments...
A commencer par la Kawa, qui dispose d'un châssis très sain et vif. Maniable à souhait, la Verte aime l'attaque et le fait savoir! Avec le contrôle de traction (KTRC chez Kawasaki), on sort des virages sans arrière-pensée, alors que l'ABS veille en cas de freinage catastrophe. Heureusement, le train avant encaisse sans problème les fortes sollicitations. Pour attaquer, il faudra une fois encore rester au dessus des 9'000 tours, car plus bas, c'est un peu la soupe à la grimace. Une fois dans les tours, le moteur Kawa donne de la voix et tire enfin sur les bras!
Sur la CBR, c'est tout le contraire: la Honda est votre meilleure amie quel que soit le rythme choisi. Son quatre-cylindres est ultra-linéaire, tout en efficacité, en parfait accord avec le châssis. Peut-être juste un peu moins vive que la Kawasaki sur les changements d'angle, la CBR jouit d'une stabilité et d'une évidence qui vous donneront des ailes! De superbes sensations de pilotage, mais une émotion mécanique plutôt absente malgré l'efficacité du moteur Honda. On sent également que la base du modèle, datant de 2009, arrive au bout de son développement.
S'il y a un moteur qui vous fait savoir qu'il est là, c'est celui de la GSX-R 1000! La Suz' a toujours disposé de moteurs à sensations et le millésime 2012 ne fait pas exception! Dès les mi-régimes, on retrouve cette sonorité métallique qui annonce l'arrivée de la cavalerie... Et ça déboule! Sans Traction Control ni ABS, il vous faudra gérer tout seul les 185 chevaux du bestiau! A l'ancienne, serait-on tenté de dire... Reste que pour une « ancienne », la GSX-R se défend encore sur la route, avec un avant plus vif. Reste que, comme pour la Honda, Suzuki va devoir revoir sa copie plus en profondeur pour revenir aux avant-postes.
Et puis il y a la S1000RR, dont Yann me laisse le guidon une fois arrivés au spot photo. La BM', c'est l'extraterrestre du comparo, qui vous met une grosse claque d'entrée, pour être sûre que vous avez compris qui c'est la meilleure... La roue avant se dresse vers le ciel à la moindre forte accélération, aussitôt ramenée au sol par l'anti-wheeling, alors que le compteur se prend pour Usain Bolt au départ d'un 100 mètres. Ça pousse! Avec aussi un anti-patinage de pointe et un ABS Bosch ultra-performant, la BMW dispose d'un arsenal technologique digne de ses 193 chevaux. Le freinage, c'est pareil, mais dans l'autre sens! Une puissance terrible qui vous décolle les orbites et plante la moto dans le sol, ainsi qu'un feeling inouï au levier. Ajoutez un châssis dément, à l'agilité encore accrue, et vous obtenez un monstre de performances, heureusement tenu en respect par l'électronique embarquée.
Une fois à la maison, il est temps de faire le bilan de cette longue journée. La GSX-R a conservé toutes ses qualités et gagné en vivacité, tout en restant un compromis idéal pour la route, à un prix plancher. Mais le confort est en baisse et l'absence d'aides électroniques pourrait en faire hésiter certains. Des aides électroniques dont est dotée la Kawasaki ZX-10 R, également pourvue d'un châssis très sain. On regrettera son manque de couple à mi-régimes, en conduite raisonnable, ainsi que sa bulle à la protection trop limitée. La CBR se sort bien de cette journée-marathon grâce à une facilité et un confort de conduite appréciables. Si elle s'en sort très bien à l'attaque, elle reste un peu discrète, manque un peu de caractère. Contrairement à la BMW, qui affiche son tempérament dès le ralenti et offre des performances extraordinaires. Il faudra un sacré niveau pour en profiter vraiment sur la route, d'autant que ses aides électroniques demanderont d'être réglées au mieux pour vous laisser un contrôle total là où vous le souhaitez.
Alors, entre une Suzuki économique et pleine d'agrément, une Kawasaki très agile mais manquant de coffre, une Honda très polyvalente mais trop discrète et une BMW totalement extrême, que choisir?
La Honda, peut-être, qui réussit un joli grand écart entre performances élevées et facilité d'utilisation dans toutes les situations. Elle reste toutefois dans l'ombre d'une BMW qui sait (un peu) se tenir et en offre carrément plus au moment d'aller taquiner les copains dans les courbes. La Kawa, vite fatigante sur voie rapide, retrouvera des couleurs dans le sinueux... à condition de jouer du sélecteur pour gagner les hauts-régimes. La Suzuki, finalement, affiche un agrément bien réel mais perd un peu de sa précieuse polyvalence des millésimes précédents.
Voilà dans l'ordre notre sélection pour goûter aux joies (et aux difficultés) de la sportive sur route!