
Le premier contact visuel avec la Monster 2021 est un choc tant tout a changé. Personellement je m'en souviens encore c'était lors d'un mini salon de la moto en marge du Supercross de Genève fin 1992. La Monster suscitait la curiosité, hérissait les poils avec son gros réservoir, son moteur qui débordait de partout et ses gros freins, bref l'essentiel sur une moto et le début de l'ère des méchants gros roadsters.
Aujourd'hui en regardant la mouture 2021, exit le cadre treillis. Au rebut le gros réservoir alu. Adieu le phare rond. Au revoir le monobras des dernières versions. Caché le gros moteur en L. Mais du coup est-ce encore une Monster ? Perso c’est la question que je me suis posée en la détaillant lors de ce premier contact. Il m’aura fallu une semaine et quelques kilomètres pour commencer à y apporter une réponse.
Fort heureusement, le rouge reste de mise sur ce nouveau millésime. Par contre, plus d’affichage de la cylindrée. Est-ce pour mieux se fondre dans la masse des roadsters ? En continuant à détailler la moto, on sent qu’il y a une volonté à abaisser les coûts de production pour faire entrer la Monster dans une autre dimension, celle de la grande série.
En effet, en regardant de près, on se rend compte que la fourche n’est pas réglable, seul l’amortisseur arrière, dont le ressort est jaune mais est produit bien loin de la Suède, est doté d’un réglage en précontrainte. Le cache réservoir, en plastique, se voit doté d'un logo « Monster » qui est un autocollant. On est bien loin du réservoir alu avec le logo vernis. Et bon nombre de caches en plastique font leur apparition autour du moteur ce pour dissimuler les différents périphériques.
Ce qui a baissé drastiquement, c’est le poids. En comparant les différentes fiches techniques, on voit qu’une Monster 821 de 2018 affichait un poids à sec de 180kg, une Monster 1200 S de 2017 185kg et une Monster 1200 R de 2016 180kg pendant que la petite nouvelle pèse à peine 166kg également à sec !
Cette révolution au niveau de l’architecture, que dis-je, de l’âme même de la Monster était-elle nécessaire pour survivre ? On peut aussi y voir une nouvelle politique de la part de Ducati à faire du bloc V4 le haut de gamme et en abandonnant les séries « S » et « R » bâties autour du V2 (hormis pour la SuperSport 950) et en faisant de cette dernière architecture l’entrée de gamme.
Par contre à l’ère de l’électronique, la Monster 2021 fait le plein de puces savantes et se la joue dans l’air du temps avec bon nombre « d’anti ». Elle se voit en effet doté du DTC (antipatinage), du DWC (antiweehling qui fort heureusement est désactivable), de l’ABS (antiblocage) et de plusieurs modes moteur (antipétagedeplombs ?). Ceux-ci sont facilement accessibles et paramétrables via les commodos et le tableau de bord TFT qui fourmille d’informations et où on peut choisir ce que l’on veut voir en roulant. Il est même possible d’y afficher une jauge à essence au format barre-graphe ce qui est précieux alors que le réservoir n’affiche que 14 litres de précieux liquide.
Dès les premiers tours de roues on loue la légèreté de la Monster ainsi que son angle chasse des plus réduit (seulement 24°) tant la moto est agile et espiègle. Et pourtant même si elle ne l’affiche pas, il s’agit (presque) d’une 1’000cc ! Enfin une 937cc pour chipoter. Une fois de plus, le dicton « light is right » prend tout son sens.
La ville, ou encore les routes où il y a beaucoup de circulation, mettent en avant la fracture entre l’ancienne et la nouvelle version. Où l’ancienne se méritait, se montrait rétive avec un caractère à l’italienne, on trouve maintenant une moto facile, qui accepte de faire un demi-tour sur route dans un mouchoir de poche et dont le moteur reprend quasiment avec l’onctuosité d’un panna cotta.
Bon, le bloc reste un twin en L qui n’aime pas descendre à la limite du ralenti, mais comme il est dotée d’un quickshifter up and down accouplé à une boîtes à vitesses rapides et verrouillant parfaitement, on n’hésite pas à jouer de la pointe du pied gauche pour le maintenir dans la bonne plage de régime. Et l'électronique fait parfaitement son job pour piloter au mieux la souplesse et la réponse du twin.
Le moteur est vraiment ce qui fait l’âme d’une Ducat et le 937cc ne déroge pas à la règle. Après une certaine mollesse jusqu’à 4’000tr/mn, le twin en L explose ensuite passé les 6’000tr/mn pour bondir dans un grondement typique jusqu’à la zone rouge. Les 111cv annoncés sont bien présents et suffisent amplement à se faire plaisir et à risquer son bleu sur un excès d’optimisme joueur. Par exemple, lors des sorties de courbes lentes, en ayant pris soin de désactiver l’antiweehling, on sent la roue avant monter gentiment vers le ciel. Fun !
Accélérer c’est bien mais freiner c’est sympa aussi. Et là l’ensemble Brembo fait plus que le job avec puissance et feeling. La qualité de l’ensemble est dans la veine de ce qu’a l’habitude d’offrir le constructeur italien. Retarder ses freinages devient un jeu d’enfant et l’ABS n’est pas intrusif. En déconnectant l’arrière, l’avant ne l’étant pas, il est même possible de placer la roue arrière en dérive lors des gros freinages en rentrant les rapports à la volée grâce au blipper.
A force de cravacher le twin, on allume assez vite le voyant de réserve. On peut compter sur une autonomie de 140 à 160 kilomètres, ce qui est short. Il faut prévoir le plein avant de partir en balade/arsouille avec les potes.
La route s’élargit, le rythme est soutenu ! En enroulant les courbes je retrouve cet avant rivé au sol qui fait l’identité des Monster. La roue avant va là où le regard vous guide. Il n’y a aucun besoin de la brusquer ou aucun effort à faire sur le magnifique guidon, on fait corps avec l’avant de la moto. Par contre, à l’arrière c’est une autre paire de manche... La suspension uniquement réglable en précontrainte et dépourvue de biellettes se montre sèche et pas assez progressive. Ça secoue dans les nids de poules. Fort heureusement les Pirelli sont là pour assurer le grip.
Ce manque de progressivité se confirmera en duo en emmenant ma dame faire un tour en rase-campagne avant de déguster un breuvage houblonné au soleil. Elle aura également (ma dame pas la boisson) ressentit la route, la suspension réagissant très sèchement sur les grosses aspérités, l’obligeant à se repositionner souvent sur la selle. Toujours pour le duo, le silencieux présent à droite est un peu gênant, le passager ne sachant pas si son arpion droit est posé sur le silencieux ou le cale-pied.
Au niveau du comportement on a bien à faire à une Ducati. Comportement moteur typique, électronique au top et freinage d’enfer vous filent une jolie banane (sur la face on s'entend). Par contre, quand on la regarde, la finition n’est pas celle à laquelle on était habitué chez Ducati et on voit les économies d’échelle faites sur les suspensions ou encore les nombreux caches plastiques afin de pouvoir offrir la machine à un prix placé vis-à-vis des autres roadsters. Ce d'autant plus que c’est la catégorie où la guerre fait rage.
D’ailleurs, on peut soupçonner que la Monster 2021 ne s’adresse pas à la clientèle « habituelle » mais plutôt à de jeunes conducteurs qui veulent entrer dans l’univers Ducati. On peut cependant saluer la grosse baisse de tarif si on compare avec l’ancienne 1200 bien qu’on se retrouve quasiment au même prix que feu la 821 mais avec une baisse qualité au niveau des péréphériques.
Bon, l'essentiel est là : un moteur, des freins et surtout caractère fun et joueur. De quoi se faire plaisir.