
Depuis quelques mois, les affaires impliquant des bikers se multiplient sur le territoire. A l’image de l’opération menée mardi par les gendarmes de la section de recherche de Lille qui ont démantelé un réseau criminel dans le Nord-Pas-de-Calais : vingt-quatre perquisitions, quinze gardes à vue, de la drogue, des armes et des véhicules volés saisis aux domiciles des suspects.
"On observe une recrudescence d’activité ces dernières années. Il y a eu des affaires à Lille, Reims, Strasbourg qui ont permis de mettre fin aux activités criminelles de gangs de motards", explique auprès de 20 Minutes François-Xavier Masson, chef du Service d’information, de renseignement et d’analyse stratégique sur la criminalité organisée (Sirasco) de la police nationale. Le commissaire ajoute que d’autres dossiers, en cours d’enquête, devraient aboutir à des interpellations.
Si le phénomène des gangs de motards n’est pas une priorité majeure actuellement pour les policiers, ces derniers y prêtent toutefois une attention particulière en raison des problématiques d’ordre public qu’ils peuvent causer, comme cela a été le cas à l’étranger. Notamment au Texas, où une fusillade entre plusieurs gangs mi-mai a fait neuf morts, une vingtaine de blessés et plus de 170 arrestations. Plus proche encore, en Allemagne et dans les pays scandinaves, l’opposition entre les Bandidos et les Hells Angels, rivaux historiques, a laissé sur le carreau 11 personnes dans ce que la police a appelé "la grande guerre des bikers nordiques".
En France, si ces groupes criminels cultivent un certain folklore, les signes ostentatoires comme les tatouages nazis sont plutôt mal vus. "Ils s’imposent une posture de discrétion pour développer leur business et ne pas attirer les regards", explique François-Xavier Masson. Ces gangs, qui occupent des "niches criminelles", tentent aussi de mettre la main sur certains commerces, comme les salons du tatouage ou l’organisation de compétitions de sports de combat. "Ils essayent de contrôler et prélèvent parfois l’impôt", raconte un enquêteur.
La vitrine des gangs de motards est toujours très respectable. Les Hells Angels, par exemple, organisent à Noël des "Toy run", des rencontres avec les habitants lors desquelles ils distribuent des jouets aux enfants. Dans l’Est, ils tiennent des stands sur les marchés. "Quand des motards se font pincer pour telle ou telle activité criminelle, l’organisation centrale prend bien soin de se désolidariser et pointe une faute individuelle. Mais on sait bien que les frères s’aident en prison et que l’organisation assure un appui logistique", poursuit ce policier.
Sur le territoire, les policiers recensent une vingtaine de "chapitres" (groupes de motards) issus de trois groupes principaux. Les Bandidos (une dizaine) se déploient principalement sur les zones frontalières et sur le pourtour méditerranéen. Les Hells Angels (7 chapitres) ont une envergure nationale et tentent parfois de s’implanter dans de nouvelles villes, comme à Bordeaux début 2013. Quant aux Outlaws, dont trois chapitres sont répertoriés, ils ont élu domicile en Normandie. Si les gangs de motards ne se livrent pas une "guerre ouverte" comme aux Etats-Unis, certaines rivalités territoriales peuvent naître. "Il y a quelques années, les Outlaws ont voulu s’implanter en Bretagne. Ils se sont pris une déculottée par les Hells Angels", note un connaisseur de ces clans.
Si les policiers gardent un œil sur ces groupes criminels, c’est aussi parce que des cadres français de ces gangs rencontrent chaque année leurs homologues européens et américains. "Il y a des rassemblements au cours desquels des directives générales sont données. D’où l’importance de la coopération européenne et internationale", appuie François-Xavier Masson, le chef du service anti-mafia. En 2013, Europol a fait rentrer les Hells Angels dans sa définition du "crime organisé". En tout, 450 chapitres ont été recensés dans 56 pays différents.