Et je saurai pertinemment que la plus belle des motos de course aura trouvé une nouvelle maison et qu’elle sera choyée par un futur propriétaire (aussi riche que) passionné… Elle ? C’est une moto de course des années 90. Que dis-je, c’est bien plus qu’une simple moto de course, plus que n’importe quelle moto de course. C’est le design réincarné en moto de compétition - son dessin est harmonieux et ses courbes, ô combien grâcieuses. Le design est limpide: c'est fluide, c’est beau. L’air n’est pas piégé, il n’est pas contraint, à peine canalisé… C’est un allié, qui glisse le long des flancs du carénage ou remonte le long de cette bulle (un poil courte...) ricochant sur le haut du casque pour aller ensuite épouser le dos du pilote et terminer sa course en se dispersant dans des turbulences infinies au niveau du dosseret de selle (un poil long…).
Dans l’âpre bataille du championnat, c’est une ballerine aux pieds agiles. Dans les bagarres en paquet, c’est un missile rouge à la charge stridente et aux vocalises d'un autre temps. Jeune en âge mais au pédigrée déjà éloquent. Cette moto a croisé le v4 avec des YZR, des NSR et autres RGV**, rien que ça!
C’était l’époque de la chevauchée sauvage, l'ère des mécaniques violentes et sans filtre, le royaume des des volutes bleutées et des ruades fatales. Elle renvoie à cette époque glorieuse, désormais révolue, des cylindres à trous. Celle de ses pilotes que sont John Kocinski, Eddie Lawson et Alex Barros, mais aussi leurs concurrents Wayne Gardner, Kevin Schwantz, Wayne Rainey. Pour ne citer qu’eux. L’âge d’or. Époque fascinante...
Alors merci, Messieurs les frères Castiglioni, d’avoir ressuscité Cagiva. D’y avoir cru, encore et encore. Plus que de raison. Parfois envers et contre tous. D'avoir osé. Obstinément. Merci d’avoir tant donné et tant poussé Cagiva, le Petit Poucet, contre les usines japonaises… David contre Goliath. Et puis vint ce jour où la Cagiva monta sur la plus haute marche du podium, avec Eddie Lawson à son guidon, réalisant ainsi et votre rêve et le sien. C’était un 12 août 1992 au GP de Hongrie, sur le Hungaroring. La Cagiva pouvait gagner. Puis vint John Kocinski, le turbulent, le mal-aimé, et avec lui fut conçue la V593 en 1993, puis la V594 en 1994... Et avec lui, d'autres victoires. Merci, merci encore de les avoir créées aussi belles. D’avoir mis ce missile rouge sur orbite, et donné naissance à une telle bombe anatomique sur deux roues. Belle. Explosive. Rapide. Victorieuse…
Perdu dans mes rêveries de courbes sensuelles et de volutes bleutées, je fus réveillé brutalement en ce mardi 9 février 2021. Ducati vient de présenter les montures de Pecco Bagnaia et Jack Miller pour la saison 2021.
Réveil brutal. Choc visuel. C'est déstructuré, c'est optimisé pour aller dégommer le dernier millième, c'est efficace, ça va (très, très) vite. Chaque détail transpire la vitesse, chaque maillon est pièce d'orfèvrerie et le résultat d'heures de jus de cerveau et de simulations. Mais n'empêche: l'élégance et le design italiens en ont pris un coup.
Forme et fonction, éternel débat.