En juin dernier, lors du Grand-Prix de Catalugna, Honda présentait en grande pompe sa pièce maîtresse. Dixit leur communication, la RC213V-S est une véritable MotoGP pour la route. Après un teasing intensif, une présentation au public par Casey Stoner lors d'un tour d'honneur et plusieurs vidéos tournées par Dani Pedrosa et Marc Marquez, c'est un bolide à près de CHF 200'000.- que les plus fortunés peuvent réserver sur le site www.rc213v-s.com (jusqu'au 30 septembre, dépêchez-vous!).
Pour une moto de cet acabit, ce n'est pas moins que le final de la saison de MotoGP qui a accueilli les hostilités : le circuit Ricardo Tormo de Valencia. Un tracé plus petit que les 4.005km pour onze virages aurait été du gâchis pour cette hypersport de plus de 210 chevaux.
D. Carrozza : Il régnait une ambiance vraiment spéciale sur le circuit. Arriver au petit matin, entrer par l'arrière des box, contourner les panneaux colorés comme on en voit dans tous les box du GP et tomber nez à nez avec le modèle d'exposition de cette RC213V-S (sans kit sport).
C'est un choc. Pour la première fois, on ressent son gabarit sans imaginer combien font les milliers de milimètres inscrits sur la fiche technique. La machine est tellement trapue, qu'on se croirait en présence d'une 600. Chaque détail est un chef d'oeuvre. Avec les cinq autres journalistes qui m'accompagnent, on pourrait la reluquer des heures durant sans se lasser.
Un grondement vient interrompre ce rituel. Les ingénieurs japonais qu'Honda a dépêché sur place pour nous ont allumé une première moto d'essai. Puis une seconde et une troisième. Tout juste de l'autre côté de la fine paroi plastique qui sépare la partie exposition du garage, chantent trois V4 à l'unisson. Ces motos que l'on commence à chauffer, ce sont les trois machines équipées route qui rouleront le matin.
Manipulé dans les règles, avec ces petits coups de gaz réguliers, le bruit caractéristique du V4 raisonne dans toute l'enceinte. Mais ce bruit est plus discret que celui d'une RSV4, plus étouffé. La faute aux artifices nécessaire pour la rendre homologuée route. Je change de box pour les regarder tourner. Elles arborent les couleurs du HRC, comme la moto présentée il y a peu.
Un peu plus loin attendent deux RC213V-S avec le kit sport. Toutes de carbone noir vêtues. L'instant est solennel, il est temps de les chauffer elles-aussi. Leur bruit déchire le silence d'un circuit de Valencia quasiment désert. Il est temps de se mettre en piste.
La matinée commence aux commandes d'une version route. Avec Shinichi Ito comme guide, nous ne sommes que trois motos simultanément sur la piste de 4km du circuit : autrement dit, seul au monde. En tout juste deux tours, en prenant ce qui me semble être un angle moyen, mon genou s'appuye déjà sur la piste. La sensation est irréelle et soudain l'angle que peuvent mettre les meilleurs pilotes du monde s'explique.
Préserver la moto était primordial. Etant un parmi vingt chanceux, je ne voulais pas être celui qui ferait voler tout le planning en éclats. Seulement à mi-angle, je me sentais encore pouvoir descendre largement plus; ce qu'avec le temps j'ai fini par faire.
Même si elle n'a "que" 159 cheveaux, les sensations que j'ai sont exceptionnelles. La RC se dompte au doigt et à l'oeil en allant se placer exactement où on veut sur la trajectoire. Equipée de pneus Bridgestone S10 et des plaquettes de frein pour la route, leurs limites ne se sont jamais manifestées pendant mon essai. Elles se situe déjà tellement loin d'une CBR1000RR Fireblade.
La matinée se termine et avec elle mon temps de roulage avec la version route de la RC213V-S. La maniabilité et l'agilité dont elle fait preuve en est presque effrayante. Désormais, je préférerai la conduire elle, que n'importe quelle autre sportive 1000 sur route. Après avoir dévoré le gâteau, il est temps de m'attaquer à la cerise : cette machine démoniaque équipée du kit sport.
S'élancer seul derrière le pilote d'essai Honda avec une moto dépourvue de tout habillage autre que sa carrosserie en fibre de carbone a une saveur particulière. On se prendrait pour un pilote de GP qui essaye son prototype milieu février sur un circuit silencieux et aux tribunes désertes. Maintenant, il n'y aura plus que deux essayeurs simultanément en piste, je prends conscience du privilège que j'ai de vivre ces instants. Je ferme ma visière, et en avant.