
Dimanche, après le départ de Claire-Lise, j'ai fait ce qu'elle m'avait interdit de faire: aller rucloner dans une benne à dechets de chantier entreposée sur la rue principale de Bariloche. Comme j'ai quand même ma fierté, j'y suis allé à l'heure de la sieste, sous un soleil de plomb. Et j'ai trouve mon bonheur, soit deux planchettes de 2 cm d'épaisseur, bizeautees aux extrémités. Parfaites pour confectionner une rampe pour la Tigresse. En effet, je me suis aperçu que je suis incapable de mettre la moto sur la béquille centrale sans un effort considérable. Jusqu'à présent, nous l'avions toujours béquillée à deux mais dorénavant je dois me débrouiller seul et si possible garder mon dos en état. En glissant la petite rampe, que j'ai patiemment sciée aux dimensions requises avec un couteau suisse, sous la roue avant, je gagne 4 cm ce qui me permet de béquiller sans effort. Le graissage de la chaîne et la réparation d'une crevaison, opérations qui se font avec la machine sur sa béquille centrale, se feront donc plus facilement. Je vous mettrais bien une photo de mon œuvre mais j'ai peur de me faire piquer le brevet par Touratech !
Lundi matin, je suis parti avec une Tigresse passablement allégée mais le cœur lourd. Heureusement, les 60 premiers kilomètres m'ont fait longer une vallée et une rivière magnifiques. La route était aussi en parfait état, ce qui est d'ailleurs toujours le cas quand c'est asphalté. Après ces 60 km et ayant déjà fait plusieurs arrêts photos, je ne me suis pas arrêté à une station service et à un joli restaurant style chalet Suisse. Mal m'en a pris car je n'ai plus trouve d'essence pendant les 310 km suivants. Crevant la dalle, je me suis arrêté au seul espèce de Bagdad Café trouve sur cette portion de route. Il s'agissait en fait d'une petite épicerie qui m'a gentiment confectionné un sandwich à la mortadelle. J'ai mangé et bu dehors, entouré de poules et de leurs poussins tout heureux de picorer les quelques miettes que je laissais tomber. J'ai repris la route, surveillant mon ordinateur de bord afin de connaître mon autonomie restante. Avec une marge de 40 km par rapport à la distance à parcourir, ça devait le faire. Je disposais en plus d'un bidon de 1,5 lt sur le porte-bagages (au départ, on en avait deux mais nous en avons perdu un dans un secteur de ripio quelques jours auparavant) . C'était sans compter que la route allait monter et descendre sans arrêt. Avant les 35 derniers kilomètres, ma marge est devenue négative et j'ai du rouler à l'économie, soit a 3'500 tours/min. en 6ème et à 75 km/h. Arrive à Zapala, j'ai pu faire le plein, soit 18 lt sur un réservoir d'une capacité d'environ 19 lt. Merci à Triumph d'avoir configuré l'ordinateur de bord de manière pessimiste (durant les 15 derniers kilomètres, l'autonomie affichait zéro).
À part les premiers 60 kilomètres, le parcours a été sans intérêt. A part la petite épicerie, les seuls bâtiments aperçus le long de la route étaient deux écoles, fermées à cette période de vacances d'été. Je me demande jusqu'où ils vont drainer les élèves. Et les familles qui vivent dans ces contrées désertiques, comment font-elles pour faire le plein ? Il faut utiliser un demi-plein pour aller faire le plein !
A mon arrivée, Zapala était une ville morte. A l'heure de la sieste, rien ne bouge. Il a fallu attendre 21h pour enfin trouver un restaurant ouvert. Mais la ville grouillait de monde dans une ambiance bon enfant.
Je suis reparti de Zapala assez tôt, sachant que j'aurais 80 km de ripio au programme et au sujet duquel des motards argentins et l'hôteliere montraient beaucoup d'inquiétude au moment de mon départ. Je me suis donc lancé en direction de Malargue, éloigné de 570 km, en espérant pouvoir fractionner le parcours au cas ou je trouverais un hébergement. Après une centaine de km, je me suis arrêté à Chos Malal pour faire le plein. Coup classique, la station était en train d'être ravitaillée et une colonne d'une vingtaine de voitures était déjà en attente. En gros, deux heures d'attente. Je me suis mis à l'ombre et ai consulté le GPS qui m'a indiqué une station à 300 m. Sans trop y croire, je m'y suis rendu et a ma grande surprise, seule un 2 CV était en train de ravitailler. Le plein m'a été fait par la plus belle pompiste qu'il m'a été donné de rencontrer. Dans ces moments la aussi, un réservoir de 100 lt ne m'aurait pas dérange. Mais la belle, après m'avoir fait le plein, s'est tirée prestement. Il faudra aussi que quelqu'un m'explique pourquoi les Argentins s'infligent des heures d'attente aux stations service alors que, parfois, une autre station toute proche est en activité.
Après m'être sustenté dans un restaurant tout propret dans ce gros village enveloppe de poussière (les rues secondaires ne sont pas asphaltées comme souvent en Argentine), je suis reparti en direction du nord. La route a été un véritable délice. Ça tourne, ça monte, ça descend et il n'y a pas un véhicule à l'horizon. Le compteur de vitesse devient un accessoire inutile et on peut rouler à sa main. Pour combler ce bonheur, les paysages étaient de toute beauté. Faute d'avoir trouvé un hébergement, j'ai du attaquer le ripio en fin d'étape mais la aussi, presque que du bonheur. Seul sur la moto, c'est nettement moins compliqué. Seuls les secteurs en tôle ondulée, très cassants, me contraigne à réduire la vitesse si je ne veux pas fracasser la bagagerie.
Arrivé a Malargue assez tard, j'ai facilement trouve un hôtel. Cette ville se trouve au pied de la station de ski la plus huppée d'Argentine (Las Lenas) et l'offre est pléthorique en été. Cette étape aura été la plus longue depuis le départ.
Ce matin, je suis reparti en direction de San Rafael, soit une étape de 200 km. Le parcours s'est résumé à une ligne droite de 170 km, légèrement vallonné et désertique (steppe). Ensuite, on atteint une petite chaîne de montagne, pas plus haute que Jolimont, qu'on franchit par un petit collet. En basculant sur l'autre versant, le contraste est saisissant. Des vergers et des vignes s'étalent à perte de vue dans une large vallée toute verte. Un peu plus loin, il y a même des palmiers.
Arrivé tôt à San Rafael, j'en ai profité pour passer la Tigresse à l'hypromat (le seul aperçu depuis le départ) et organiser la suite du voyage.
Demain, je pars sur Mendoza où j'ai réservé une trappe pour quatre nuits. C'est la fête des vendanges et je n'allais pas manquer cette occasion ! Lundi, je mets le cap sur Santiago du Chili où la Tigresse est attendue chez le concessionnaire Triumph pour le service des 20'000 km. Un remplacement des pneus est aussi nécessaire. Après 10'000 km parcourus, le pneu arrière est poutze.
Voilà, les amies et les amis, je vous ai presque tout dit. Merci de prendre le temps de me lire.
Hasta luego.