
En quittant la Tanzanie depuis Moshi, je choisis la frontière derrière la Kilimandjaro. En effet, la frontière principale est, paraît-il, un joyeux bordel. C'est donc avec plaisir que j'enroule les virages qui mènent au Kenya, en passant par la frontière la plus rapide de tous mes voyages : même pas trente minutes, photos avec les douaniers comprises !
Mais une fois au Kenya tout change : elle est loin la tranquillité de la montagne, sur route c'est une lutte permanente. Bien qu'on est censé rouler à gauche, face à moi, un grand nombre de camions tentent de doubler leurs congénères, sauf qu'ils ont exactement la même vitesse. Donc il faut choisir : le bas-côté (oui mais lequel ?) ou entre les camions ? Tout fonctionne, faut juste pas avoir peur...
Lorsque j'arrive enfin à Nairobi, la capitale, tout n'est pas rose non plus, loin de là ! Moi qui pensait que le deux-roues à Paris c'était une épreuve, en fait c'est un jeu d'enfant ! Au Kenya, c'est simple : en moto, il n'y a aucune règle. Feux rouges, sens de circulation, police, priorité... ne pas tenir compte de tout ça. Il faut juste avancer, coûte que coûte, toujours être en mouvement, même si ça inclut de rouler sur les trottoirs ou tout autre élément du mobilier urbain.
Conduire une moto à Nairobi, c'est un peu un sport extrême... Et comme je dois faire mes visas pour la suite, j'aurai le loisir de perfectionner ma pratique : plus de 400km en cumulé dans la ville... ça va être très dur de reprendre une conduite normale en Europe.
C'est aussi à Nairobi que je retrouve Crawford, un Américain avec qui nous sommes en contact depuis le début. On aurait dû, à partir de là, continuer le voyage ensemble, mais il a eu quelques soucis...
Depuis la Tanzanie, son embrayage a lâché, littéralement parti en morceaux... Il a continué d'avancer en mettant sa moto dans des camions pour échouer ici, à Nairobi, où il sera plus facile de faire venir des pièces.
Bon le timing n'étant plus bon, je continuerai seul.
Évidemment, en quittant Nairobi, je voulais voir le Mont Kenya. Sans vouloir le grimper, car mes jambes se remettent à peine du Kilimandjaro, j'aurai voulu m'en approcher au plus près. Mais c'était sans compter sur la météo : depuis le début de mon séjour kenyan, c'est trombes d'eau et déluges ! Même ma tente, déjà bien amochée par les animaux au Botswana, n'y résiste pas et se transforme en piscine. Et évidemment, les pistes se transforment en champs de boue...
Heureusement, plus je remonte vers le nord, plus le temps s'améliore.
Et oui, je quitte l'hémisphère Sud pour l'hémisphère nord ! Je vais donc arrêter de rouler la tête en bas...
Les forums internet regorgent d'informations, très souvent obsolètes si elles ne sont pas carrément fausses. Et donc j'aborde avec appréhension "la pire route d'Afrique" entre Marsabit et Moyale, la frontière éthiopienne.
La route est censée être une piste totalement défoncée et dangereuse, où la sécurité est mauvaise à cause de mouvements terroristes.
Et en fait, la route est surtout la plus belle route prise jusqu'à présent... Je suis un peu seul au monde, pas de trace de gens armés partout, juste quelques locaux qui apparaissent de nulle part, pour disparaître de la même façon.
Bon, tant mieux pour moi, la route s'est mieux passée que prévu.
Et puis j'arrive à la frontière.
Je rencontre deux autres motards ! Ils se dirigent vers le nord aussi. J'allais leur proposer de rouler ensemble, car on n'a pas arrêté de me dire que les Ethiopiens sont très agressifs envers les voyageurs.
Mais finalement, quand ils m'ont dit qu'ils ont quitté l'Afrique du sud il y a dix jours, je
crois qu'on ne voyage pas à la même vitesse.
En tout cas, c'est des motos peu courantes : BMW HP2. Je les recroiserai plus tard d'ailleurs, une HP2 en panne... Depuis le début de mon aventure, je crois que l'Éthiopie est le plus formidable pays que j'ai traversé. Toutes les conditions sont réunies pour un séjour mémorable, et en cette veille de Noël, mon cadeau sera de parcourir une piste magnifique.
J'ai parfois du mal à réaliser que je suis là, au guidon de ma moto que j'ai préparée des mois durant...
Parfois, bien que la piste offre des panoramas à couper le souffle, il faut rester très prudent, et ne pas oublier que la moto va là où se porte le regard. Ça peut éviter des problèmes...
En route, je rencontre des voyageurs un peu particuliers : des cyclistes !
Ils sont anglais et font Londres - Le Cap à la seule force de leurs jambes. Et on ne dirait pas comme ça, mais l'Éthiopie, ça grimpe ! On passe de 1000m à 3300m en peu de temps et plusieurs fois quand on traverse le pays. Mais pour les motards, c'est une bonne nouvelle : on peut brûler un peu de gomme sur les flancs des pneus !
Sans aucun doute, j'ai eu en Éthiopie mes meilleurs moments en tant que pilote moto, entre les pistes, les routes de montagnes... et les pistes de montagne, mélange des genres ! Et d'un point de vue touristique, le pays n'est pas en reste.
On trouve par exemple l'un des rares lacs africains où on peut se baigner sans risques, c'est à dire pas de crocos, pas d'hippo et pas de parasites !
Pour les armateurs de café, l'arabica est originaire d'ici, et donc on trouve partout des petits cafés. Dégustation obligatoire ! Dans une ambiance simple, savourer un café fraîchement torréfié et moulu après quelques heures en selle... un bonheur !
Et puis bien sûr, la célèbre ville de Lalibella, connue pour ses églises taillées dans la roche du sol...
En bref, l'Éthiopie c'est un peu le paradis des voyageurs moto... et c'est aussi le paradis des Rastafari, mais ça, c'est une autre histoire... La seule difficulté rencontrée en Éthiopie est le ravitaillement en essence. Toutes les stations n'ont pas forcément d'essence, et quand elle en a, il faut être patient !
Dans ces cas-là, je suis content de pouvoir rouler près de 600km avec un seul plein ! Ça évite les mauvaises surprises...
Ce passage en Éthiopie m'aura profondément marqué. En cette période de fin d'année, les habitants se sont montrés accueillants et prévenants envers moi afin de m'aider comme ils le pouvaient. Alors qu'ils ne fêtent pas Noël et le Nouvel An les mêmes jours que nous, j'ai pu partager un peu de leur culture, tout en étant déconnecté de la mienne.
Mais il faut avancer, encore et toujours, Lausanne c'est encore loin !
Bonne année et à bientôt !