Et ce n'est pas anodin, car la Trophy est un modèle historique chez Triumph, puisque sa devancière fut lancée en 1990 avec cinq autres modèles représentant la « nouvelle » gamme, fabriquée dans l'usine d'Hinckley. Après une évolution majeure en 1996, elle quittait la gamme en 2003, sans jamais cesser d'être réclamée par les « Trophistes ». Après avoir chassé sur les terres des japonais avec ses roadsters et ses petites sportives, Triumph venait titiller Harley-Davidson avec les nouvelles Rocket 3, Thunderbird ou Speedmaster. Le vent désormais en poupe, la marque s'attaquait à d'autres catégories et à un autre constructeur en particulier... BMW, réputé pour ses trails et ses routières.
Défi relevé puisqu'après avoir présenté sa Sprint ST, puis GT, Hinckley envoyait un petit tigre, la Tiger 800, en découdre avec la gamme allemande. Un an plus tard, Triumph s'attaquait à LA référence du marché trail, la 1200 GS, avec sa Tiger Explorer. Pour confirmer son statut de marque qui compte sur le segment du grand tourisme, Triumph se devait de proposer une routière haut de gamme à l'équipement pléthorique. Voilà donc la nouvelle Trophy SE, qui semble parachever la refonte de la gamme entamée en 2004. Avec la manière
En détaillant l'équipement proposé sur notre Trophy SE d'essai, on se rend compte du niveau de gamme de la Trophy. Passons rapidement sur les deux selles et les poignées chauffantes disponibles en option pour nous intéresser d'abord aux valises (2 x 31 litres) latérales de série. Equipées de la dernière version du Triumph Dynamic Luggage, qui permet une oscillation d'un angle maximum de 5° des bagages. Le résultat? Une meilleure stabilité et une agilité accrue, le poids des valises étant désolidarisé du châssis. Le transfert latéral de masses est réduit au changement d'angle grâce à un simple mécanisme. En remontant un peu, à côté des larges poignées de maintien du passager, on trouve le curseur de réglage du siège chauffant, ainsi qu'une prise 12 Volts bien pratique pour recharger un quelconque appareil. A noter que le top-case optionnel dispose lui aussi d'une prise 12 Volts, dont la connexion est pré-installée de série. Une fois le rail et la valise mis en place, la prise est prête à fonctionner.
On retourne à l'avant pour trouver un réglage de température des poignées (toujours en option, rappelons-le) sur deux niveaux sur le commodo gauche. Juste à côté trône ce qu'on appellera « la télécommande » du système audio. Eh oui, ils ont mis une chaîne hi-fi sur la Trophy! On dispose du classique réglage du volume et des touches de sélection des pistes. L'icône M ouvre le menu audio d'une longue pression et permet de régler le son et choisir une sortie (hauts-parleurs ou casque audio), alors qu'une pression plus courte permet de naviguer entre radio ou MP3. MP3? Oui, car la Trophy est équipée d'un vide-poche à fermeture automatique (il se verrouille dès qu'on coupe le contact) disposant d'un port USB, qui accueillera une clé ou un lecteur équipé du bon câble, pour passer votre musique préférée! La prise 12 Volts « pilote » trouve aussi place dans ce compartiment.
Le bouton P autorise, d'une simple pression, la navigation entre vos playlists ou vos réglages de stations de radio favorites (15 mémoires disponibles par bande – FM, AM...). Une longue pression permet de configurer ces préférences. Les deux hauts-parleurs disposent d'un réglage automatique du volume et de la qualité de son en fonction de votre vitesse. Le système dispose d'une double connection Bluetooth, qui peut se connecter soit à deux casques, soit à un casque et un téléphone. L'acoustique des hauts-parleurs a été soigneusement étudiée pour rendre le meilleur son possible! On le verra plus loin, mais ça marche! Ah, pour couper la radio, il suffit de baisser le son jusqu'à l'affichage d'un « mute », qui correspond en fait au « OFF » d'un classique autoradio.
Juste à côté de la « télécommande » se trouve aussi un curseur de réglage pour la bulle. Oui, la bulle dispose d'un débattement de 14 centimètres et d'une fonction mémoire, qui la replace automatiquement dans la position choisie avant la coupure du contact. Un système dont BMW a décroché la primeur sur sa K1600GT, a précisé Simon Warburton, product manager de Triumph, beau joueur. Bon, voilà, c'est tout.
Eh bien non, c'est pas tout! Sur l'autre commodo (celui de droite, oui, merci d'avoir suivi!) se trouve le système de réglage du cruise control. En bonne routière, la Trophy peut filer « sans les pieds, sans les mains » à l'envi. D'une pression (d'une demi-seconde) sur le « SET / - », on enclenche le système et on règle sa vitesse (affichée sur l'écran du tableau de bord) avec le même curseur. Pour couper le système, plusieurs solutions: ouvrir en grand pendant au moins 60 secondes (la moto comprend que vous tirez la bourre et vous laisse vous faire mal tout seul), actionner l'embrayage, le frein avant ou le frein arrière (la moto comprend que vous avez les chocottes) ou fermer complètement l'accélérateur, qui dispose d'un petit cran (la moto comprend ... oh ça va hein!).
Pendant qu'on y est, parlons du moteur! Le trois-pattes de 1'215cm3, dispose d'un couple conséquent à mi-régimes pour favoriser les relances, alors qu'une sixième vitesse dite « overdrive » vient aider à réduire la consommation à vitesse élevée: on dépasse tout juste les 4'000 tours/minutes à 120km/h. Un accélérateur ride-by-wire permet également d'améliorer le travail de l'injection pour une consommation optimum. Triumph a également travaillé au niveau mécanique en décentrant l'embiellage (enfin, quelque chose comme ça... je crois... peut-être). Le principe, en clair? Avec un léger décalage par rapport au « centre » du moteur, les bielles ont une position plus verticale lorsque le piston se trouve tout en haut du cylindre, quand arrive la combustion. La bielle est plus droite lorsque arrive la combustion, ce qui réduit les frictions latérales sur le piston et permet de conserver un maximum de la pression engendrée par la combustion. En réduisant ces frictions, la combustion est donc meilleure, ce qui améliore le couple et diminue la consommation. Voici, pour vous aider, un petit lien vers une courte explication en anglais et une image illustrant bien la chose, sur un site consacré à la Honda Insight.
A noter que le moteur, grâce à ces améliorations techniques, notamment, ne nécessitera un petit service que tous les 16'000 kilomètres et un grand service tous les 32'000 kilomètres! C'est votre porte-monnaie qui vous dira merci!
C'est bon, on y va? Pas encore, pas encore! Il y a un tout nouveau tableau de bord, avec plein de fonctions à détailler avant! Deux cadrans à aiguille pour le régime et la vitesse (Merci! C'est tellement plus beau!), séparés par un écran LCD au rétro-éclairage automatique. L'écran affiche votre station de radio choisie ou la chanson qui passe sur votre MP3, dispose bien sûr d'une horloge, d'une jauge de température, d'une jauge à essence, de l'affichage du rapport engagé... et ce n'est pas fini!
On dispose aussi d'une infinité de trips partiels, de calculs de la consommation moyenne, instantanée, de l'autonomie restante, de la quantité d'essence consommée depuis le début du trajet, du nombre de kilomètres par litre ou de la pression des pneus, grâce au capteur placé dans les roues. C'est aussi via cet écran qu'on réglera le Traction Control et les suspensions électroniques. Ces dernières disposent de trois réglages de détente (Normal, Confort et Sport), ainsi qu'un réglage de la précharge (Solo, Solo et bagages, 2 personnes). Imaginez qu'on vous détaille le tout par un beau matin, sous un petit vent froid avec un demi-oeil ouvert et un déjeuner écossais en digestion. Dur! La navigation du menu est heureusement assez intuitive et, après quelques minutes passées à jouer avec les boutons, on configure sans souci le tout selon ses préférences, évidemment mémorisables!
Oui, on peut! Après avoir passé 3 jours et demi en Angleterre et en Ecosse, mais sans rouler, je suis aussi impatient que vous! En plus, on a de la chance avec le temps: s'il fait encore frais, le soleil est au rendez-vous et fait briller les carrosseries bleues ou argentées de nos Trophy. Ah, oui, les carrosseries! Si la Triumph n'est pas un top-model, ses lignes restent harmonieuses et cohérentes. On a l'impression de voir une BMW 1200 RT moins torturée, d'avoir affaire à une moto un peu plus classe. La finition est franchement irréprochable, plus cohérente que chez l'Allemande, dont les commodos tout gris et bizarres m'ont toujours gâché le plaisir rétinien...
Bref, toujours est-il que le tout reste massif et que je n'en mène pas large en montant sur la bête. Mon mètre septante-cinq paraît déjà submergé par l'immense cockpit formé par les rétroviseurs intégrés, la bulle et le tableau de bord. En relevant la moto, je me dis que ça va être dur et il est vrai que les 301 kilos en ordre de marche (sans compter les valises!) se font sentir. Bien sur, j'ai hérité de la seule Trophy coincée entre deux Mercedes et j'ai bien cru ne jamais sortir de là! Un peu de sport dès le matin, ça fait du bien! Enfin dégagé de ce piège, prêt à partir, je mets le contact.
Aussitôt, les premières notes de 2 become 1, des inoubliables Spice Girls, montent à mes oreilles. Ah. Bon.
C'est vrai, le staff Triumph nous avait concocté un petit mix de musique anglaise pour les plus de 400 kilomètres qui nous attendent. Vu comme ça commence, la journée risque d'être longue. Bien sûr, j'ai oublié le câble de mon iPhone dans la chambre d'hôtel... misère. Plus le temps de tergiverser, la troupe se met en branle, il est temps de lancer l'engin!
Dès les premiers mètres, on retrouve avec plaisir le caractère tout en force tranquille des gros trois-pattes Triumph. Un filet de gaz nous pousse en avant, dans une sonorité toujours aussi particulière. Les commandes sont douces et la réponse de l'accélérateur ryde by wire excellente. Mais ce qui surprend le plus, une fois les 10km/h passés, c'est la maniabilité de la Trophy! Avec un tel gabarit et un poids si élevé, je ne donnais pas cher de ma personne dans les manoeuvres à basse vitesse. Que nenni, c'est un vélo! Un bon, gros vélo, mais qui évite de se battre avec son pilote et qui se laisse emmener du bout des doigts. L'assise est naturelle et l'on ne se sent pas trop sur un mastodonte. Il faut dire que le nouveau cadre en aluminium, le plus léger de la catégorie avec 11,3 kilos, n'a pas à supporter toute la moto, car le moteur est lui aussi porteur. La partie centrale du cadre est donc affinée, garantissant une finesse bienvenue au niveau des jambes. Même si l'avant est très englobant, on « domine » la moto sans problème. Franchement, je repasserais même le permis avec!
Le parcours de notre essai débute par un trajet vers Dundee, située de l'autre côté d'un bras de mer. Le genre de parcours typique du quotidien, qui nous mènera d'un centre-ville à l'autre, en passant par des axes assez fréquentés. Dans une petite bourgade, à un feu, on vend du rêve aux écolières en poussant le volume sur Insomnia, de Faithless, puis l'on se charge de réveiller les vieilles dames de Dundee avec Fire, de Prodigy, toujours à plein tube! Enfin, je dis « on », mais c'est moi, hein! La playlist éclectique des gars de Triumph donne la patate, je danse sur la Trophy comme si j'étais dans ma voiture en écoutant un titre de LMFAO (ces mecs sont fous). Un vrai bonheur! Au delà d'autoriser des chorégraphies délurées sur un fond d'électro, la Trophy permet d'affronter les trajets maison-boulot en toute sérénité. Les valises empêcheront de vraiment s'enfiler partout, mais sont bien sûr démontables. Notons que Triumph a isolé le moteur du cadre avec des caches plastiques, dissimulés sous le carénage. Les remontées de chaleur qu'on avait pu « apprécier » sur la Sprint GT ou la Tiger Explorer sont ainsi évitées. Un bienfait appréciable, car il fait déjà presque chaud!
On sort rapidement d'un décor urbain pour plonger dans la campagne écossaise. Après un premier arrêt photos, on reprend vite la route pour une heure environ afin de rejoindre notre première étape « café »! Et là, presque d'un coup, au détour d'un virage, PAF! On déboule dans la lande, ce célèbre paysage vert, gris et violet (grâce aux vastes plans de bruyère), surplombé par un ciel bleu parsemé de quelques nuages. Et même si les Def Leppard envoient du lourd dans les enceintes, on a le souffle coupé. A droite, rien. A gauche, rien. Juste le ruban gris de la route devant soi et dans ses rétros, entouré de ce paysage extraordinaire qui semble s'étendre à l'infini. S'il n'y avait mes camarades, devant et derrière moi, je jurerais être seul au monde. D'autant qu'on ne croise que peu de véhicules et encore moins d'habitations. Cette partie du pays semble hors du temps, hors de tout. L'esprit s'évade, le regard se perd et l'on se sent happé par ce mélange de couleurs.
Bon, il s'agirait quand-même de moins rêvasser parce qu'on goûte à une autre spécialité écossaise, à part le Haggis... les routes surprises! Non contents de nous faire rouler à gauche, les Ecossais vous tiennent éveillés en ponctuant leurs axes routiers de courbes en aveugle, de dévers inattendus, de successions de bosses juste avant ou après un virage... et aussi au milieu! C'est évidemment à ce moment que Darrell, notre guide, augmente le rythme et emmène la troupe suisse virevolter sur ce grand-huit routier! Heureusement, la Trophy aime s'amuser! Elle conserve toute son agilité et sa stabilité sur ce parcours un rien chaotique, profitant de son couple pour se sortir de tout piège ou obstacle soudain. Le freinage n'est pas en reste, avec un mordant bien présent à ces vitesses malgré tout raisonnables. En tripotant les boutons au guidon, j'arrive à enclencher le mode Sport de la suspension. Le gain n'est pas vraiment perceptible sur de telles routes, pas assez lisses ni très bien revêtues. Le confort de pilotage est royal et on bouge facilement sur la grande selle, pour se placer au mieux. Après une toute fin de route vraiment sympa, du genre parcours de motocross bétonné (y'avait moyen de décoller, sûr!), c'est la pause.
Aglp'! Sitôt réchauffés, sitôt repartis! Après de nouvelles photos, dans des paysages toujours splendides, on continue notre périple à travers les Highlands. On en prend toujours plein les yeux... mais c'est tout. En effet, le carénage et la bulle offrent une protection royale! On a juste le flux d'air qu'il faut pour se sentir à moto, sans subir au niveau des bras et des cervicales. Sur la position la plus haute, la bulle génère quelques remous à haute vitesse, qu'on limitera en la baissant un peu. On a alors plus de bruits aérodynamiques, mais le confort général est très, très élevé.
Rien à dire au niveau de la selle et de la position au guidon, très bien étudiée. Réglable sur deux positions, l'assise est moelleuse et ne se tasse pas après deux heures de route. En accélérant le rythme, les plus énervés pourront regretter que l'ABS (non-déconnectable) se déclenche rapidement sur les très gros freinages dont est capable le nouveau système (étriers 4 pistons à l'avant). Mais on apprécie le freinage combiné intelligent (le frein arrière actionne un piston sur chaque étrier avant, puis deux en cas de freinage plus appuyé ; le frein avant actionne légèrement l'arrière également), qui contibue à la stabilité de la moto dans toutes les phases de freinage.
La Trophy avoue bien sûr ses limites dans les enchaînements de grandes courbes où elle manque un peu de vivacité. Mais on peut compter sur son moteur pour refaire un éventuel retard sur les collègues! Mis à part la sixième, qui fait office d'overdrive pour cruiser sur l'autoroute, les rapports sont étagés pour profiter au maximum du couple moteur. Les dépassements sont une formalité. Sans non plus pousser à outrance, le bloc anglais délivre ses chevaux de façon très convaincante et s'apprécie quel que soit le rythme choisi. Dans n'importe quelle situation, sur n'importe quelle route (bitumée, entendons-nous), la Trophy propose un comportement exemplaire! Sur voies rapides, on profite de la bonne protection pour se passer un petit Coldplay ou se refaire quelques succès de Wham!... oui, bon, enfin pas trop de Wham! quand-même, s'il vous plaît.
On l'a constaté lors de nos arrêts repas et café (mais si, on roule aussi, promis), en comparant nos mines réjouies: le confort et le plaisir de conduite sont au rendez-vous sur la Trophy. Détendus, bien installés, les casques posés dans les valises, on profite pleinement de la journée. Les 400 kilomètres semblaient bien suffisants pour juger du potentiel de la Trophy, mais certains auraient bien fait un détour à la lecture de certains panneaux (Glendfiddich, Lagavullin...) indiquant la proximité de distilleries de Whisky! Mais devant choisir entre boire ou conduire, on se sera rattrapés le soir-même au bar... S'il en est une qui n'avait pas soif, c'était bien la moto! Au moment où la réserve s'allumait, on dépassait les 300 kilomètres et il restait de quoi avancer encore un bon moment. Un gabarit aussi conséquent pour un appétit d'oiseau... elle cache bien son jeu, cette Trophy!
C'est un retour gagnant pour la Trophy! Disposant d'un confort à toute épreuve, elle n'aura pas déçu sur ce long parcours à travers une région magnifique où il fait bon poser ses roues. On se réjouit de l'opposer à ses rivales allemandes et japonaises, tant ses prestations dynamiques semblent excellentes. Le rapport qualité/niveau d'équipement/prix de la Triumph devrait donner du fil à retordre à la concurrence. On constate surtout que la marque anglaise dispose aujourd'hui des ressources pour jouer sur toutes les gammes, dans tous les secteurs du marché. Ouvrons bien les yeux, la « petite » firme d'Hinckley risque encore de nous étonner!