
« Tant qu'il n'y a rien qui rentre dans mes f**ses, je suis prêt à tout! » Là, c'est sûr, je m'exposais vraiment à n'importe quoi en sortant une phrase comme ça... Une phrase qui n'a pas échappé à mes compères, qui se sont empressés de fomenter un complot visant à me laisser sans voix, pour une fois! C'est ainsi que, fraîchement installé sur le paddock du circuit du Bourbonnais, en train de poser les couvertures chauffantes sur ma précieuse GSX-R, le gars Rolling roule vers moi avec un petit sourire qui ne me dit rien qui vaille.
Il roule? Oui, car l'ami est devenu paraplégique suite à un accident de motocross, il y a une quinzaine d'années. Il s'est longtemps battu, surtout avec la législation française, pour pouvoir rouler à nouveau et enfume aujourd'hui ses potes side-caristes avec son F2 au moteur de GSX-R 600 préparé en Angleterre. Tout sourire, Rolling me tend une couche-culotte sous le regard béat de Charles et Patrick, bien sûr aux premières loges. « Tiens, tu auras peut-être besoin de ça pour ton baptême en side-car! »
Vous imaginez bien ma tête à ce moment là... non? Eh bien imaginez qu'on vous annonce tout soudain que vous allez devoir faire le singe d'un ex-crossman reconverti dans le side-car de vitesse, qui s'amuse à torde l'accélérateur d'un tricycle artisanal collé au sol, équipé d'un moteur de supersport préparé par une bande de fans de rugby gavés à la bière et au fish and chips. Oui, voilà, cette tête là!
C'est dans un état quelque peu second que je suis les instructions de Rolling et de son fils, déjà piqué au vif par la passion du side. Au menu: les différentes positions à adopter selon les virages, corrigées une dizaine de fois, et les conseils de placement pour divers endroits du circuit. « Si moi je le fais, tu peux le faire! », m'encouragera le fiston, tout sourire. Oui... bah oui, du gâteau! Une fois les positions et déplacements bien en tête, j'enfile ma seconde surprise de la journée: un déguisement de singe, pour des clichés marrants! C'est bien, ça va me détendre!
Après une franche rigolade et une fois le costume rangé, les choses sérieuses peuvent commencer... Rolling prend place aux commandes, à la seule force de ses bras et en grimaçant un peu. Il démarre le side et je m'installe respectueusement dans le panier. C'est moi qui ai des jambes, et il va falloir les utiliser pour ne pas se retrouver sur le toît! On traverse le petit paddock du Bourbonnais et on arrive à l'entrée de la piste... un petit signe du commissaire plus tard, on entre sur le circuit. Mais qu'est-ce que j'fous là?
« J'irai tranquille les deux premiers tours et si ça va, on accélère! » Alors qu'on arrive en bout de ligne droite, je me demande si c'était aussi une plaisanterie! C'est sûr que c'est un 600, le moteur?! Propulsé à une vitesse folle au ras du sol, je m'apprête à encaisser le premier freinage avant la... Oh! il ne freine pas! Zou! Je m'étale sur l'arrière du side, les jambes contre le carénage de la roue du panier et le haut du corps à l'intérieur du virage, pour rigidifier l'ensemble dans le premier droite du circuit et mettre le plus d'appui possible sur la roue intérieure. Bon, s'il n'a pas beaucoup freiné, c'est qu'on doit pas être vite et... excusez-moi, voilà déjà la deuxième courbe à droite!
Punaise! Quel truc de fou! Après la petite cuvette et le virage en montée, on arrive dans un premier gauche, une petite épingle toute gentille. Sauf qu'en side-car, là, c'est bon freinage et passage des fesses au ras du vibreur intérieur! Argh! Vous vous demandiez pourquoi les babouins ont un fessier proéminent? Eh bin maintenant je le sais: ils ont sûrement fait du side! La sensation de vos fesses totalement libres et à quelques centimètres du sol est aussi troublante que grisante. Le side remue un peu, mais au deuxième tour, ça commence déjà à aller mieux. Enfin ça, c'était jusqu'à ce que Rolling attaque un peu...
AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA!!!! C'est ce qui aurait dû sortir de ma bouche si je n'étais pas resté scotché par la poussée du F2 dans le bout droit. Là on va vite! Et j'encaisse un bon freinage, cette fois, preuve que le rythme augmente! Je pense à respirer puis, dans le second virage, un de mes pieds se fait la malle. Panique à bord, alerte générale, une botte à la mer! Je tape dans le dos de rolling et rectifie ma position. Pfou! Allez, on va pas s'arrêter maintenant! Je fais signe à mon pilote de continuer, décidé à tout de même aller au bout.
Ouais, bon... on aura fait deux tours de plus. Malgré la compassion de mon pilote, qui a sérieusement baissé le rythme, j'aurai eu toutes les peines du monde à tenir le choc. Penser à la bonne position, toujours tenir l'arceau fermement, anticiper les changements de direction, respirer... C'est dur, la vie de singe! On finira donc par revenir aux stands, où je m'empresserai de descendre de cet engin de mort... pour manquer de tomber parterre!
Je suis claqué! Mes jambes ne veulent plus rien savoir et je tiens à peine debout. Je transpire comme jamais, mais j'ai clairement adoré! En partageant mes impressions avec Rolling, je réalise l'ampleur du rôle de singe et la relation de confiance qui doit s'instaurer avec le pilote. Le triangle machine-pilote-singe doit parfaitement fonctionner pour obtenir un tant soit peu de vitesse! A mon niveau, j'aurai modestement contribué à la chose en évitant au side-car de se retourner. L'expérience de Rolling aura fait le reste et nous aura ramenés à bon port sans bobos.
Vous avez envie d'une expérience de pilotage nouvelle? Vous voulez monter sur le grand huit le plus hallucinant de la planète, sans ceinture de sécurité et avec un vrai rôle à jouer sur l'issue du tour de manège? Ne cherchez plus et trouvez un pilote de side-car: frissons garantis!